Rose ancienne

©Bruant d’Almeval 2023

Ton cœur est cette rose ancienne
Qu’on voit brûler dans les tableaux
Entre les doigts de porcelaine
Des Vierges de Raffaello

Tu vas tes jours en demi-teinte
Un peu ici un peu ailleurs
Bercée de musiques éteintes
Et de miroitements trompeurs

Mais où est le prince Princesse
Qui prit ta main dans ce lointain
Dans ce décor de ta jeunesse
Qui ne fut que menti matin

Ah Ta tristesse ta tristesse
Cygne blême qui frôle l’eau
De ton miroir quand le jour baisse
Ta tristesse pâle oiseau d’eau

©Bruant d’Almeval 2022

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Visage

©Bruant d’Almeval 2023

Mirage que ressasse
La vague bleue des nuits,
Miroitante et tenace,
La vague qui séduit ;

Visage qu’en silence,
Je trace d’une main,
Conjurant son absence
Dans le cri du matin ;

Visage qui me rêve,
Envers et contre moi,
Sans répit ni sans trêve ;
Visage de sous-bois…

Une moire le lave,
Qui le fait incertain ;
Et sans nom, mais suave,
Aux yeux adamantins,

Aux lèvres qui appellent
Du revers de l’écran,
Aux lèvres qui épellent
Les trilles du printemps :

Celui d’une autre vie
Que je n’ai pas vécu,
Offrande inassouvie
Pour un rêveur déchu.

Visage qui s’allume
Comme un nuage blanc,
Dans les pensées qu’écument
Des songes nonchalants ;

Visage qui s’épanche,
Comme à la mer le feu
D’un soleil de pervenche,
Dans l’après-midi vieux.

©Bruant d’Almeval 2022

Dis-moi

©Bruant d’Almeval 2023

Dis-moi quelques vers d’un poème
Et que me caresse ta voix
Comme le baiser du noroît
Fraîchissant l’aile des phalènes

Les mots quand ils passent tes lèvres
Se nuancent de leur parfum
Tantôt anis tantôt jasmin
Qui est celui du genièvre

Je reviens étancher sans cesse
Au flux de cette source-là
Cette soif de mots et de toi
Que j’ai toujours et qui m’oppresse

Dis-moi quelques vers d’un poème
Je n’ai pas d’autre amour que toi
Ni rien qui fasse jour en moi
Autant que le son de ta voix

©Bruant d’Almeval 2022

Survenance

©Bruant d’Almeval 2023

Alors quand son aile mince affleurait le rêve
Je pleurais tous ces jours qui ne reviendraient plus
Et l’oiseau s’imprimait en le bleu répandu
Par mes yeux sur le bois tout frémissant de sève

Des beautés Renaissance blêmes et sévères
Passaient ainsi que brumes en l’avril des cieux
J’étais gris d’en humer le parfum vénéneux
Lourd comme un souvenir qui longtemps exaspère

Ma main articulait sur le panneau de chêne
En entrelacs dorés les mots que me soufflait
La bouche lointaine d’où je tirais mon lait

Et monacalement dans l’atelier fermé
Je laissais affairé mes jours se consumer
Heureux et malheureux sous l’habit de mes chaînes

©Bruant d’Almeval 2022

A Nohant

©Bruant d’Almeval 2023

À Nohant, autrefois, on entendait Chopin,
Les soirs mélodieux et mauves de glycine,
Ses arpèges tresser comme d’autres dessinent –
Andante, andante ! – du bout de ses doigts fins.

Feuillet après feuillet, dans la chambre à côté,
Se faisaient, défaisaient des destins romantiques,
Sous les doigts non moins fins et non moins frénétiques
De George la rebelle – Aurore, en vérité !

Quand l’air se faisait lourd dans ses appartements,
La raconteuse allait s’égarer un moment,
Dans les bois alentours, où sont les mares brunes.

C’est ainsi que naquit le conte des amants,
Dont s’accordent les cœurs dans un frisson de lune,
Au rythme respiré du sommeil d’un enfant.

©Bruant d’Almeval 2022

©Bruant d’Almeval 2022

Pleure ton encre, Crépuscule,
Sur le poète et sur ses vers,
Au rythme du jour qui recule ;
Pleure ton encre, Crépuscule !

Avant que Lune ne macule
La page de son blême hiver,
Pleur ton encre, Crépuscule,
Sur le poète et sur ses vers !

Le flot des images circule
Du rêveur au rêve, à l’envers ;
Au rythme du temps qui recule,
Le flot des images circule.

Avant que l’aube n’articule
Le mot de la fin, sobre et clair,
Le flot des images circule
Du rêveur au rêve, à l’envers.

Le jour est cette renoncule
Venue sur les yeux grands ouverts,
Quand les fantômes capitulent.
Le jour est cette renoncule…

Au rythme du temps qui pendule,
Ce matin, un brin de travers,
Le jour est cette renoncule
Venue sur mes yeux grands ouverts.

©Bruant d’Almeval 2022

Visitation

©Bruant d’Almeval 2022

Et l’oiseau apparut que vêtait le boisé,
À sa patte lié un paquet minuscule
Recelant en ses plis le sanglant ventricule
D’un pétale de rose, un pétale froissé.

Oh ! Ce coeur délivré dans l’antre de mes jours !
Cet organe arraché de quelle autre poitrine,
Par un mot de mépris, une phrase assassine !
Oh ! Cette âme brisée, voyageuse au long cours !

Mes doigts en percevaient le velouté de pêche,
La chaleur diffuse et le bruissé de ruisseau ;
C’était sur ma peau comme un baiser de flammèche.

Et la larme, passant par-dessus la margelle
De mes yeux, se mêla éloquemment à celle
Qui perlait – de rosée – sur le rouge lambeau.

©Bruant d’Almeval 2022

Belle nuée

©Bruant d’Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

Belle nuée harmonise
Son mirage rose et bleu
Sur la ville comme il pleut
Belle Angèle vocalise

Le ciel ouvre sa chemise
Pour qu’elle s’y niche un peu
Belle nuée harmonise
Son mirage rose et bleu

Les oiseaux, perles de brise
Se perdent en ses cheveux
Angèle ferme les yeux
Pour que l’instant s’éternise
Belle nuée harmonise

©Bruant d’Almeval 2022

Neige

©Bruant d’Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

Avril est fébrile
De neige fragile
Comme le lent chant
Que vont ânonnant
Des vents indigènes
Entre les persiennes

La blancheur m’absorbe
De la lande imberbe
Où près d’un rocher
S’érige ébranché
Un tronc peint de neige
Mirifique cierge

Index qui désigne
Le ciel blanc de cygne
Ce grand ciel muet
Où pas même n’est
En neige fragile
Le moindre fringille

Ni dieux ni déesses
Astres ou promesse
Un grand ciel plombant
C’est tout mais c’est tant
Que chagrin m’assiège
En frileuse neige

Et je pleure pleure
Ô vie antérieure
Les brillants avril
D’aiguilles en fils
Partis volatiles
En neige fragile

©Bruant d’Almeval 2022