Intermezzo

©Bruant d'Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

Les amarres rompues, le rêveur peut toucher
De sa bouche assoiffée les lèvres idéales.
Tissez, oiseaux-sommeil qui frôlez les clochers
Mutiques de la nuit, à l’amant une toile
Où peindre son désir, brûlant comme une étoile !

La rose se consume en son silence noir ;
Le songeux sur la toile en fait une étincelle,
Puis deux grands yeux de ciel où s’allume l’espoir,
Comme dans le soleil la petite hirondelle
Revenant au printemps, notre âme sous son aile.

©Bruant d’Almeval 2022

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Pénitence

©Bruant d'Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

J’ai vu passer l’amour sous son masque violet
Mais je n’ai rien osé ni geste ni murmure
Et il s’est évanoui ce beau songe inviolé
Ne laissant que remords en mon cœur de parjure

Des remords sans lisière un chagrin sans espoir
Comme une dure pierre qu’aucun marteau n’entame
Fichée dans la poitrine à l’endroit le plus noir
Pesant de tout le poids de sa mort minérale

Le ciel comme l’amour autrefois envolé
Emprunte à la glycine ses nuances tristes
Le nuage crevant par-dessus la vallée
Les déverse sur moi en flot récidiviste

Que mes larmes sucrées s’y mêlent à la fin
Et mon sang et ma voix jusqu’à mon ombre même
Je veux être l’ondée que boit le chrysanthème
Embaumant le caveau de mon rêve défunt

©Bruant d’Almeval 2022

Embrasement

©Bruant d'Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

Sur l’étang d’encre noir,
Glissent blêmes des cygnes.
Leur ombre n’est qu’un signe
Tracé sur le miroir ;
Inexplicable mot,
Pensée laissée sur l’eau
Que lentement reprennent
Des gorges musiciennes.

Elles sont là et là,
Cachées dans l’entrelacs
Des roseaux, des jacinthes ;
Et quand leurs ailes tintent,
Revenantes du vent,
Je laisse, dérivant,
Aller, aller ma peine,
Barque à la bleue carène.

Musique qui m’éteint,
Drapé d’un frais satin,
Aux maux et aux dilemmes
Des destinées humaines.
Musique qui m’étreint
À l’endroit du chagrin ;
Toutes petites perles,
Ô larmes qui déferlent !

L’étang d’un songe luit,
Soudain dessous les saules ;
Présence qu’auréole
Un bijou de la nuit.
Je tremble, mais je vais
Par le vent soulevé
Au devant de la flamme
Qui brûle comme une âme.

Et je sais, m’envolant,
Que c’est là le moment
De toute une existence ;
Le moment d’alliance,
Le très nouveau matin
Qui ouvre les chemins,
Referme les blessures,
Amorce l’écriture.

Et je flambe à mon tour.

Je flambe !

Immanence

©Bruant d'Almeval 2022
©Bruant d’Almeval 2022

Mes mots sont choses qui s’enfuient,
Ton chant est chose permanente,
Bel oiseau blanc qui t’épanouis
Au plus sombre de ma tourmente.

Se replient à la fois sur moi
Tes ailes — opales brûlantes
Et l’eau de tes yeux de sous-bois
Dont j’ai bu la fraîcheur ardente.

M’enveloppant, le vent est bleu ;
Comme le manteau de la Vierge.
Le vent, le vent est de nuit bleu ;
Je ne lis plus les plis des berges.

Ma barge est celle du destin
Qui ne nous promet qu’à l’abîme ;
Le temps la convie aux lointains
Crépusculaires et ultimes.

Il faut que le marin se noie
Au mitan de son propre rêve
Et l’oiseau, toi qui tant flamboie,
Tu voleras vers d’autres grèves.